La vérité et autres mensonges

25

Bon sang, j’ai 25 ans et je ne sais absolument pas quoi faire de ma vie. J’ai vu des tonnes de fiches de renseignements sur différents métiers, j’ai fait des tests, j’ai fait des stages, j’ai discuté avec des professionnels, j’ai assisté à des forums des métiers… et je ne suis pas plus avancée. En fait, le problème, c’est que je ne m’y vois pas ; je n’arrive pas à m’imaginer faisant tel ou tel métier, quand j’essaye, peu importe le métier, cela sonne faux…

25 ans, dépressive, alcoolique, trop rêveuse et trop sensible pour ce monde, angoissée dès que je suis face à un groupe de personnes, et surtout, pleine de tristesse et de colère. Cela fait mal de me décrire ainsi, mais je ne vois pas quels autres mots pourraient expliquer celle que je suis.

Parfois, j’ai sincèrement envie de me prendre en main, d’accomplir quelque chose. Mais quoi ? De quoi suis-je capable ? J’ai beau avoir 25 ans, et mon petit frère 20, on voit tout de suite lequel des deux sait mener sa barque. On dirait qu’il a tout fait avant moi, et que je ne fais que suivre… avec un train de retard. L’appartement, le permis, le boulot, il a réussi à se débrouiller avec tout ceci pendant que je perdais mon temps à me perdre dans ma propre tête. Je me disais qu’il fallait que je prenne du temps pour moi, que je me comprenne moi-même, que c’était une sorte de quête nécessaire, et qu’il était inutile de brûler étapes. Sauf que quand je regarde ma vie maintenant, je n’en suis pas fière. J’en suis même dégoûtée. Je suis dégoûtée de moi. Pendant toutes ces années, je n’ai fait que fuir. Je passais des heures entières à me balader dans des forêts, à m’allonger au soleil dans l’herbe et à rêver, et je m’estimais satisfaite de mes journées. Une belle perte de temps…

Peut-être que je verrais les choses différemment si je n’étais pas convaincue d’être morte avant mes 35 ou 40 ans. Parce que je ne compte pas vivre après ça. Non, si je n’arrive pas à réellement changer, et que je me retrouve à 40 ans avec les mêmes foutues questions sur la vie, alors je me tuerais. Peut-être même que je perdrais patience avant… J’aimerais dire que ce n’est qu’une phase, et qu’aujourd’hui n’est qu’un jour où je suis déprimée. Mais ce serait mentir. J’en ai tellement assez de rêver à ce qui n’arrive jamais. Et je ne parviens pas à me contenter des miettes. Tous ceux que je connais, croise ou rencontre, on vécu quelque chose : des histoires d’amour, des amitiés trahies, des difficultés familiales surmontées, des problèmes divers qui leur ont permis de se rendre compte de ce qui comptait vraiment pour eux… Moi je n’ai rien eu, rien vécu. Ma famille est problématique depuis toujours et ça n’a pas évolué. Mes rares amis vont et viennent, et finissent par s’en aller, et m’oublier. L’amour ? Je n’y crois même plus.

On pourrait croire que je demande la lune, que je suis avide, que je cours après ce que je ne suis pas supposée convoiter. Pourtant, je ne demande pas grand-chose. Juste de connaître le bonheur de quelqu’un qui dort à mes côtés et me sert dans ses bras pendant une nuit. Ou alors voir le sourire de quelqu’un qui serait réellement content de me voir. Pouvoir discuter de tout et de rien avec une personne sans voir le temps passer. Savourer un bon repas avec quelqu’un, assis devant un feu de bois en hiver. Des choses simples.

25 ans et tout ce dont je rêve, ce sont des choses simples.

"Mais pour nous autres qui vivons ailleurs, rien n’est vraiment achevé. Le bonheur n’existe pas. Juste quelques rêves, quelques paroles. Juste le vent de la mer qui bouscule les plumes des oiseaux traversant l’estuaire. Et la réalité assassine." Bitna, sous le ciel de Séoul, J.M.G Le Clézio