Pourquoi
Au bout d’un moment, j’en ai eu marre de cette question. Maintenant, je la déteste. "Pourquoi suis-je en vie ?" Et toutes les autres questions qui y ressemblent… Je n’ai pas de réponse. Et je sais que personne ne l’a. Mais c’est dur d’ignorer ces questions sur l’existence, de se dire que ce n’est pas important et qu’en fait il suffit simplement de vivre sa petite vie…
Que faire quand la vie n’apporte rien ? Je dis souvent aux gens que j’ai surmonté ma dépression, pour éviter qu’ils ne m’agacent avec leurs questions. La vérité, c’est que je n’ai jamais cessé de songer à toutes ces idées noires, que le suicide reste une option valable qui hante un coin de mon esprit. Jour après jour, de nouvelles cicatrices. Des situations qui paraissent étranges, parfois légèrement intrigantes, et qui se révèlent finalement décevantes. La balance entre vouloir vivre et vouloir mourir, l’espoir et le désespoir… et la roue continue de tourner. Comment suis-je censée avancer avec ça, comment suis-je censée reprendre ma vie en main ?
Au bout d’un certain temps passé à déprimer, à me sentir vide, à ne rien comprendre, à ne même plus faire d’effort pour comprendre, la question du "pourquoi" devient un poison. On se le demande parce qu’il nous faut un but, quelque chose à quoi se raccrocher. On s’accroche à n’importe quoi, juste parce qu’il faut qu’il y ait quelque chose.
Pour moi, il n’y a qu’un énorme flou. Pas de réels contacts avec les gens, pas le sentiment d’avoir une place quelconque. Un rêve qui ressemble à un cauchemar, un monde que je n’arrive jamais à voir comme le mien ; je me sens constamment comme si j’aurais dû naître ailleurs. Au fil du temps, tout disparait. J’ai eu quelques amis, qui m’ont tourné le dos. Je n’ai pas eu de véritable soutient. J’en suis à un point où je me dis que, si quelqu’un osait se montrer attentionné envers moi, m’offrir un geste de réconfort comme une main sur l’épaule… j’exploserais de rage. Je… ne supporterais pas cela. "C’est trop tard !" Voilà ce que je voudrais hurler, voilà ce qui rugirait dans ma tête. Parce que pendant tout le temps où j’espère et où rien ni personne ne justifie cet espoir insensé, je souffre. Je souffre, et je me demande : qu’est-ce qu’il y a chez moi qui ne va pas ? Pourquoi personne ne s’est jamais approché, pourquoi me tient-on à distance à la manière d’une sorte de bête curieuse ? On dirait que personne ne sait comment agir avec moi. Et je sais pourquoi : parce que personne ne s’est donné la peine de demander. Il leur aurait suffit de me parler, et je leur aurais répondu avec toute l’honnêteté de mon cœur. Maintenant, je sens que je ne pourrais plus me confier à quiconque… ou alors il faudrait quelqu’un qui ne se laisserait pas arrêter par ma souffrance, qui verrait plus loin qu’elle. Mais cette personne n’existe pas.
Je ne veux plus me demander pourquoi je vis sur cette terre. Parce que sinon, je pense aussitôt à pourquoi je devrais mourir. Et là, j’en ai des tas, des réponses…
"Les gens échouent, tout se dérobe. Nous sommes nés en croyant à une sorte de magie que nous nous acharnons à faire vivre." (Traînée de poudre, Patricia Cornwell)