La vérité et autres mensonges

"Survive. That's an order."

Cela fait une semaine. Une semaine que j’agis en me regardant agir, que je me fais l’effet d’un robot. Bilan alcool : 2 soirs où j’ai picolé sur 7 jours, ce qui pousse mon record de temps sobre à 5 jours d’affilés. Je pense à l’alcool tous les jours, j’ai envie de boire au moins une fois par heure. Mais je m’en empêche. Et ça me fait souffrir, de devoir résister. Sauf que c’est une bonne souffrance ; c’est comme quand je vais courir dehors dans le froid, à peine réveillée, sans avoir mangé, et qu’après je me sens milles fois plus vivante que lorsque j’ai ouvert les yeux et que je me suis forcée à sortir de mon lit.

J’ai tiré un trait sur Eli, sur Karl, sur Cam, et je ne les ai pas contactés depuis au moins quinze jours. Parfois, je pense à eux, je me dis que ce serait peut-être bien de prendre de leurs nouvelles… et puis je me rappelle que quand je le fais, ça ne sert à rien, que je me sens ridicule, qu’ils s’en foutent de ma sollicitude. Alors je les ai abandonnés. Je les laisse s’effacer de mon esprit, disparaître dans les tréfonds de mes plus vagues souvenirs. Ils ne m’apportent que de la peine, et je me sens minable de traîner derrière eux à attendre qu’ils m’apprécient à ma juste valeur. Cela ne m’affecte plus, désormais. Correction : ça ne sert rien de me laisser affecter par ces personnes-là. Je sais ce qu’ils font, de toute manière, je n’ai même pas besoin d’aller le leur demander.
Cam bosse avec mon frère et déteste ce travail, vit avec un mec par peur de se retrouver toute seule, et enchaîne les soirées sans réussir à se lâcher et à s’amuser malgré les quantités énormes d’alcool qu’elle boit.
Pour ce qui est de Karl, la dernière fois que je l’ai eu au téléphone, il m’a dit qu’il avait adopté un chiot. Il est débordé, entre son boulot, sa mère malade, son nouvel animal de compagnie, et il a déménagé en dehors de la ville donc il passe pas mal de temps et d’énergie sur les routes.
Eli… c’est sûrement celle qui a le plus occupé mes pensées avant que je ne décide de tirer un trait sur elle. J’ai eu de ses nouvelles grâce à ma mère ; même pas besoin de dire quoi que ce soit, ma mère parle pour dix. Eli est toujours aussi paumée, elle retombe dans les bras de son ex - un connard qui a profité d’elle, lui a volé du fric, et lui a causé pas mal d’ennuis avant de se barrer sans la prévenir -, et elle fume à peu près tout ce qui lui tombe sous la main.
Voilà. Pas nécessaire d’en savoir davantage. Ils vivent leurs vies. Et j’ai la mienne à gérer.

Parfois, il y a des jours où je n’éprouve rien du tout. Vraiment rien. Vide total. Comme quand j’étais dans ma pire période de dépression. Mais je n’ai pas envie de me tuer. Je ne me permets plus d’avoir ce genre de pensées. Je… je ne peux pas. Je me suis mise en "mode survie". Et la seule chose qui compte, c’est de survivre. Tout ce qui n’est pas en lien avec ça, ou qui met en danger cette ligne de conduite, je m’en débarrasse. Je ne veux plus qu’on me fasse de mal. Je ne veux plus que quiconque puisse m’en faire, je ne laisserai plus de prise aux manipulations des autres.

"Il existe en moi de l’amour comme vous n’en avez jamais vu. Il existe en moi une telle rage qu’elle ne devrait jamais se manifester." Frankenstein, Mary Shelley