La vérité et autres mensonges

Her

26 avril 2023, 15h31 – before
Je vais aller voir M. Dans une quinzaine de minutes. Et comme à chaque fois, je me sens un peu paniquée, sur les nerfs, surexcitée, impatiente, ravie, nerveuse mais c’est une bonne nervosité. Bref. Vaut mieux pas que j’y pense. C’est pas le moment. Je ne dois pas être encore plus perturbée que ce que je suis déjà. Je ne dois surtout pas faire de connerie. Surtout pas. Ne pas dire ce que je pense vraiment, ce qui menace de déborder de mon coeur. Ne. Rien. Dire. Et ne rien faire de stupide non plus. J’ai beau avoir bien dessoûler depuis hier soir et mon aventure avec la bouteille de rhum, je me sens toujours aussi fébrile et mon esprit déborde d’idées toutes plus folles et débilement romantique les unes que les autres. J’ai peur. Et j’adore cette peur-là. Parce que même si j’ai peur, je me sens invincible, et donc, peu importe ce qui arrive, j’en ai rien à foutre. J’ai mal au ventre, mais ça n’a rien à voir avec un symptôme de gueule de bois, c’est juste le stress. En vrai, j’ai l’impression étrange de trembler de la tête aux pieds. L’impression d’avoir du feu dans les veines, une sorte de lave, un truc qui me donne de l’énergie et qui me donne l’envie de sauter dans tous les sens jusqu’à me casser la figure. J’hésite. Et si je n’y allais pas ? Ça serait peut-être mieux. Je ne serais pas tentée, comme ça. Oh mais je vais y aller ; je ne peux pas résister. Et puis merde. J’y vais.

17h19 – after
J’ai pas fait ou dit de connerie. Enfin, pas plus que d’habitude. Écouter M m’encourager est merveilleux. Ça pourrait presque être une sorte de drogue, comme si j’allais passer de me bourrer à la gueule à ne plus pouvoir me passer de sa voix, de sa gentillesse, de son sourire, de son regard sur moi tandis que j’avoue mes pires craintes… Le problème, c’est que je ne vais pas la revoir avant quinze jours, parce que la semaine prochaine, elle part en vacances. Maintenant, j’ai mal au coeur. J’ai envie de pleurer ou de hurler ou les deux. La bouteille de rhum dégueulasse qui traîne chez moi me tente affreusement, même si je me répète que ce serait une très mauvaise idée, que demain matin je dois me lever tôt, que je dois assurer toute la journée au jardin et que j’ai besoin d’avoir les idées claires. Là, en tout cas, j’ai pas envie d’avoir les idées claires. Je voudrais pouvoir oublier mes sentiments, noyer mes rêves en même temps que mes cauchemars. J’ai envie de tout casser. Quand je suis seule dans cet état, ça ne finit pas bien. Je sais pas quoi faire. Écrire sur le vif me donne l’impression de regarder ma propre peau se faire charcuter et de subir la douleur sans pouvoir rien y faire. Peut-être que je ne peux vraiment rien faire. M croit que si. Elle croit que je vais m’en sortir, elle croit que j’en suis capable. Elle a dit que je suis quelqu’un de persévérant, que j’ai une forte volonté, que je vais m’en sortir et qu’elle n’a aucun doute là-dessus. Comment faire pour que j’en sois convaincu, moi aussi ? Je ne me sens pas mieux qu’avant. Je n’ai plus peur, je n’ai plus d’énergie, je n’ai plus envie de bouger. J’attends simplement qu’il se passe quelque chose. N’importe quoi. Parce que ça finira bien par me tomber sur la tronche et que tout ce que je pourrai faire sera de réagir en fonction… C’est ça, ma volonté ? Continuer de prendre des trucs en pleine figure et me relever pour en prendre d’autres ? Je me demande si le jour arrivera où je ne me relèverais plus. Je crois… que je ne sais pas faire autrement. Je me relèverai toujours malgré moi. Je mourrai comme j’ai vécu : seule, en combattant, avec des histoires comme armes contre le reste du monde, et la douleur habituelle toujours à mes côtés pour me rappeler qu’un jour tout s’arrêtera.