La vérité et autres mensonges

Rage

Je déteste les fêtes de fin d’année. Première phase, Noel. Voilà, j’ai affronté Noel, et maintenant il me reste le Nouvel An. Il ne me reste comme famille qu’une mère et un petit frère, mais parfois… j’ai envie de ne plus les voir eux aussi. Mon père est devenu un poison dans ma vie, et j’ai dû m’en débarrasser, ne plus le contacter, lui dire que je ne voulais plus le voir. Il a fallut que j’essaye de grandir et d’évoluer, malgré ce manque abyssal de confiance en moi… Et j’ai toujours l’impression d’être cette pauvre gamine malheureuse qui pleure dans son coin et que personne ne voit telle qu’elle est. Le pire, c’est que je me sens comme ça surtout quand je suis en compagnie de ma mère et de mon frère. Disons que j’ai eu du mal à supporter Noel avec eux deux. Et que dès que je suis revenue chez moi, je me suis jetée sur la bouteille de rhum.

Un autre rendez-vous avec l’éducatrice spécialisée en addiction, aujourd’hui. Je lui parlais, et plus je lui parlais, plus je me sentais en colère ; j’avais envie de crier, de me lever et de balancer la chaise sur laquelle j’étais assise. A la place, j’ai serré très fort ma main droite autour de mon bras, je crois que j’y ai même planté un peu les ongles, d’après les marques que j’ai vues ensuite. Rien que de devoir raconter la façon dont on me traite, de me rappeler ces moments où j’ai souris alors qu’on me balançait des horreurs à la figure, de ces efforts que je fais pour ne pas me laisser contrôler par ma rage… c’était comme si j’y étais à nouveau, comme si je revivais cette fureur presque impossible à contenir. "Tu veux te faire un autre tatouage ? Mais pourquoi ? En plus, t’en as déjà trois, et ils sont pas vraiment petits..." / "Ouais ben les motos c’est pas un truc à conduire, y a que les fous qui conduisent ça." / "Franchement je comprends pas ces gens qui picolent trop en soirée..." Dès que je mentionne une idée que j’ai eu, voici ce que j’ai en réponse. On me critique, on me trouve folle, on dit que je n’ai que des idées bizarres. Et moi, avec le problème de confiance en moi que je traîne déjà, je me prends encore ça en plus dans les dents… Et après on ose me dire que je suis quelqu’un de faible et que c’est de ma faute si je vais mal, que j’ai qu’à me démerder toute seule ?? ? Bien sûr que je vais me débrouiller seule, puisque je ne peux compter sur personne, visiblement.

Le Nouvel An, hein… Je vais faire la fête à fond. Et j’en ai rien à foutre de si je bois trop, de si on pense que je suis timbrée. Je vais ressortir une de mes robes préférées, danser jusqu’à la fermeture des bars, draguer n’importe quel mec ou n’importe quelle nana que je trouverai à mon goût, dire ce que je pense vraiment et je m’en fous si ça ne plaît pas ou si ça dérange… parce que j’en ai marre, parce que je ne me sens pas seulement triste mais aussi complètement enragée. Pour moi, aujourd’hui, c’est injuste, ce qui m’arrive. La dépendance à l’alcool, les crises de rage, les idées suicidaires, les angoisses, les insomnies, les crises de panique, les problèmes de violence, les scarifications… c’est un bordel qui m’est tombé dessus alors que j’ai rien demandé.

Avec tout ce qui se passe, je n’arrive plus à suivre mes règles par rapport à ma consommation d’alcool. C’est complètement anarchique : y a eu trois jours sans presque une goutte, puis j’ai enchaîné des soirées bien arrosées mais pas au point de vomir, et hier soir j’ai tellement déconné que j’ai eu un black-out. Instable. Incontrôlable. Imprévisible. C’est tout moi. Est-ce que j’arriverai vraiment à m’en sortir un jour ? Aujourd’hui, je dois bien avouer que je n’y crois pas.

"Tu sais à quoi se résume le suicide, Lucy ? A une histoire de colère, de revanche. Une espèce d’allez-vous-faire-foutre définitif." Combustion, Patricia Cornwell